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FONCIER
04.06.2018

La Confédération Paysanne contribue à l'enquête publique sur Borly II

04.06.2018 -

L'Agglomération d'Annemasse prévoit d'étendre la zone actuelle de Borly sur 20 ha de terres agricoles pour en faire une Zone d'Activité Economique "BORLY II". Actuellement, 3 fermes utilisent ces terres comme outils de travail.

Dans le cadre de l'enquête publique sur le projet BORLY II de l'Agglomération d'Annemasse, la Confédération Paysanne a souhaité apporté sa contribution, pour réaffirmer sa position face à ce projet destructeur de terres agricoles.

La Confédération Paysanne se prononce pour la préservation de la zone agricole de Borly, et pour l'abandon du projet de zone artisanale. Par ailleurs, la Confédération Paysanne soutient le collectif d'agriculteurs, de citoyens, de consommateurs, le CABA, qui milite également pour le maintien, comme zone agricole, d'une terre nourricière au cœur d'un bassin de population important.

« J'ai longtemps cru que le problème foncier était de nature juridique, technique, économique et qu'une bonne dose d'ingéniosité suffirait à le résoudre. J'ai lentement découvert qu'il était le problème politique le plus significatif qui soit, parce que nos définitions et nos pratiques foncières fondent tout à la fois notre civilisation et notre système de pouvoir, façonnent nos comportements. » Edgard Pisani, Utopie foncière 1977

 

 Le paradoxe agricole haut-savoyard : une vision politique archaïque du foncier agricole

La production agricole haut-savoyarde est représentée à 50% par l'élevage laitier. Le lait est transformé en majorité par des coopératives. Une grande partie de ce lait est produit sous signe de qualité (AOC*, IGP*,…). L'agriculture locale se caractérise par ses produits finis de qualité avec une forte valeur ajoutée et un juste retour aux producteurs... Des équilibres et une recherche d'équité développés depuis plus de 50 ans. Ce choix est aussi celui du collectif et de l'exigence. Par des processus de coopération et l'instauration de règles codifiées, la filière laitière est arrivée à construire et pérenniser des modèles certifiant l'origine, le respect de pratiques et de savoir-faire, la valorisation de ressources spécifiques (lait cru, système herbagé, biodiversité…).

Mais malgré une économie favorable aux structures en place, le département fait face à un taux de disparition des fermes très important. La Haute-Savoie compte 3 120 exploitations agricoles en 2010 contre 5 092 en 2000. Le taux de disparition est de 39 % en dix ans. Il est plus marqué en Haute-Savoie que dans la région (31 %) ou qu'en France métropolitaine (26 %). Ce rythme s'accélère par rapport à la période 1988-2000 où il était de 36 % en douze ans (source agreste).

La pression foncière est extrêmement forte dans ce secteur, d'autant plus que l'on s'approche des zones urbaines, et explique clairement la disparition des fermes.

Dans un premier temps, le développement de la concurrence pour les terres agricoles notamment au profit de l'urbanisation entraîne l'augmentation du prix du foncier et incite parfois les propriétaires à garder leurs terrains en friche en attendant de les vendre pour la construction. Ces phénomènes de spéculation et rétention foncière rendent plus difficile l'accès à la terre pour les paysans. Avec l'urbanisation, le parcellaire des fermes se réduit et s'enclave rendant l'exploitation de plus en plus difficile et générant des conflits de voisinage.

Dans un second temps, l'augmentation du prix du foncier bâti agricole (augmentation identique au foncier bâti), rend les transmissions des fermes difficiles, les bâtiments sont enclavés, et les activités d'élevage deviennent impossible.

A Borly II, tous les ingrédients sont réunis pour voir disparaitre à très court terme les fermes qui travaillent sur ces terres, affectant toute une filière économique.

 

 Borly II, une agriculture existante sur une zone préservée à forte valeur agronomique

Actuellement trois fermes utilisent comme outil de travail les surfaces concernées par le projet dit de « Borly II », une majorité de prairie et des cultures de céréales destinées à l'alimentation des troupeaux. Ces 3 fermes représentent les dernières fermes laitières de la commune, elles ont leur siège social situé sur le coteau des Voirons. Dans la zone de production de l'AOC* reblochon, leur lait est bien valorisé leur assurant une pérennité économique.

Ces surfaces sont à considérer comme essentielles pour le maintien de l'élevage dans ce secteur pour différentes raisons :

  • La topographie et la qualité agronomique de ces terres assurent une forte valeur agricole, par une mécanisation simplifiée et la diversité culturale envisageable sur ces surfaces. De manière générale, il est illusoire de penser que l'activité agricole pourra se maintenir uniquement sur les coteaux, voire plus haut dans les alpage

 

  •   L'autonomie alimentaire des troupeaux (fourrage, céréales) est gage de bonne santé économique puisque permettant de limiter les achats extérieurs. Par ailleurs, le cahier des charges pour la production de reblochon impose une provenance du fourrage à 75 % issue de la zone du fourrage pour les fermes situées à plus de 600 m d'altitude, ce qui est le cas des 3 fermes de Borly II, ou 100 % pour celles en dessous… Supprimer 20 ha de terres réduit d'autant l'autonomie de la filière reblochon. 

1 ha c'est aussi 1 vache non nourrie, 6000 litres de lait et 1500 reblochons par an en moins. Mais ce pourrait aussi être 20 ou 30 tonnes de pommes ou de pomme de terre, 30 tonnes de légumes, 3 à 10 tonnes de céréales (il en faut 200 kg par an et par habitant selon la FAO*, soit de 15 à 50 personnes potentiellement privées de nourriture, de 300 à 1000 sur l'ensemble de Borly II... A comparer aux emplois promis, qu'est-ce qui est le plus important ? Qui peut nous assurer que nous pourrons toujours aller chercher nos légumes en Andalousie, nos céréales et notre viande au Brésil ou aux USA ? Donc conserver ces surfaces agricoles permettra de continuer à réaliser un produit emblématique de notre département, et de notre économie (tourisme…) : le reblochon.

 

  •   Ces terrains plats de grandes surfaces attenantes sont également essentiels au plan d'épandage des effluents d'élevage de ces structures. En effet la réglementation impose des distances aux habitations, des périodes de l'année... La disparition de ces surfaces ne permettrait plus aux éleveurs concernés de répondre aux exigences réglementaires, le territoire étant devenu trop mité par les habitations dans de nombreux secteurs.

 

  • Du fait d'une zone importante de prairie, l'utilisation de produits phytosanitaires et d'engrais minéraux est réduite, favorisant ainsi la biodiversité. On peut considérer que les pratiques agricoles expliquent en grande partie la présence (ou non) des espèces inscrites dans les inventaires réalisées au cours de l'étude d'impact.

Concernant l'emploi, différentes études et communications, sur le sujet font apparaître un ratio allant de 0,4 à 7 emplois non agricoles pour un emploi sur une exploitation agricole (Détail disponible dans le rapport complet ; CRAMP 2006). Considérant la population actuelle, et l'inscriptions des structures agricoles dans des filières longues, on peut raisonnablement penser que 15 % des emplois sur le territoire français sont liés à l'agriculture. La commune de Cranves-Sales a d'ailleurs sur son territoire le siège de LCR Bosson, vendeur de matériel agricole bien implanté dans le secteur. Non loin sur la commune de Ville la Grand ou Fillinges, des unités de transformation du lait sont présentes

 

Borly II, vers un autre projet plus cohérent au regard des enjeux locaux, nationaux et planétaire

L'artificialisation croissante de nos terres fertiles réduit irrémédiablement notre capacité de production agricole, ce qui fragilise notre souveraineté alimentaire.

Cette artificialisation des terres a aussi des conséquences écologiques graves. Elle entraîne l'imperméabilisation des sols, ce qui renforce les phénomènes d'inondations et réduit le renouvellement de nos nappes phréatiques. Elle contribue au réchauffement de nos sols, ce qui a un impact négatif sur la température globale de la planète. Elle contribue à l'étalement urbain et la circulation des véhicules qui génèrent pollutions et gaz à effet de serre. Elle entraîne enfin le rétrécissement des niches écologiques, la disparition des corridors écologique et l'appauvrissement de la biodiversité.

Le CABA s'est constitué autour d'un projet répondant à des enjeux légaux nationaux (mise en place d'un Projet Alimentaire Territoriaux- loi d'avenir pour l'agriculture) et d'enjeux locaux (mise en place du Projet Agricole d'Agglomération). La Confédération Paysanne soutient ce travail et accompagne le CABA pour la mise en place d'un Pôle Agricole de Proximité sur la zone de Borly II.

La maitrise foncière par la collectivité est certainement un de ces meilleurs atouts pour la mise en œuvre de tout projet, il serait souhaitable pour nous, Confédération Paysanne, que cet atout soit utilisé dans le cadre du Projet Agricole d'Agglomération ; plutôt que celui-ci justifie la mise à mort de structures agricoles qui diversifient encore actuellement le paysage économique de notre secteur (cf. étude d'impact).

De plus, les zones existantes, Borly I en premier lieu, Ville la Grand, mais aussi l'Eculaz ne sont pas encore remplies… Mais le prix du terrain agricole serait-il le seul argument de l'agglomération pour convertir cette zone et permettre à bas coût l'accès au foncier aux artisans ? Le CABA a montré que sur Borly I et Ville-la Grand plus de 10 ha de terrain sont actuellement disponible. Etant donné que Mr Christian Dupessey, président de l'agglomération d'Annemasse, est également président de l'Etablissement Public Foncier, nous pensons que d'autres solutions avec d'autres leviers politiques sont possibles !

Aujourd'hui la majorité des acteurs du territoire s'accorde à dire que la préservation du foncier est hautement stratégique. Mesdames, Messieurs les élu.e.s, il est temps de passer de la parole aux actes et d'abandonner ce projet d'artificialisation des terres d'un autre temps.

 

La Confédération Paysanne s'exprimera également dans le cadre de l'enquête publique sur l'Autoroute Thonon-Machilly à l'appel de l'association ACPAT qui sera ouverte du 4 juin au 13 juillet. Nous continuerons à porter notre message et dénoncer les nombreux impacts de ces projets routiers sur l'activité agricole et notre santé :                     La perte irréversible de centaines d'hectares de terres agricoles de bonne valeur agronomique dans une région où le foncier est rare ;  La destruction d'espaces agricoles et naturels de grande valeur ;   Des impacts indirects de plus en plus pressant pour l'agriculture : image de nos produits "polluée" par les nombreux reportages sur la pollution de l'air en Haute-Savoie, impacts des changements climatiques sur les rendements agricoles, le réchauffement étant dans les Alpes du Nord, 2 fois supérieur à la moyenne mondiale, qui se traduit notamment par un accroissement de l'évapotranspiration alors que les précipitations se font de plus en plus irrégulières. Contribuez vous aussi à cette enquête en suivant ce lien : https://www.registre-dematerialise.fr/733/observations
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