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AGRICULTURE PAYSANNE
17.04.2020

Lettre ouverte aux élu·e·s de Haute Savoie concernant la situation agricole

En cette journée mondiale des luttes paysannes, la Confédération Paysanne a écrit à tou·te·s les élu·e·s du département pour faire le point sur la situation agricole dans cette crise du coronavirus, et souligner les pistes de solutions qui déjà se mettent en place.

Lettre ouverte aux élu·e·s de Haute Savoie.

Le 17 avril 2020

 

Mesdames, Messieurs,

L'épidémie de Covid19 par la crise qu'elle provoque révèle de nombreuses incohérences et fragilités de nos sociétés. Si l'heure n'est pas encore au bilan, après un mois de confinement et alors que nous célébrons aujourd'hui la journée internationale des luttes paysannes, il nous parait important de vous faire part de l'état de la situation pour le monde agricole Haut Savoyard. Déjà s'y dessinent les interrogations et les solutions pour « le monde d'après ».

 

Un secteur revalorisé mais en crise

Tout d'abord, il faut souligner que le travail agricole, comme les travaux des personnels soignants, des éboueurs et autres « petites mains » qui assurent les fonctions des secteurs primaires et secondaires sont enfin considérés à la hauteur de leur importance. Espérons que cela sera durable. Mais cela ne résout en rien les difficultés que rencontrent ces professions aujourd'hui.

Pour le monde agricole l'épidémie de COVID a eu pour premiers effets dévastateurs :

-          La fermeture des marchés de plein air : celle-ci a entrainé l'impossibilité pour des producteurs qui ont fait le choix de la proximité d'accéder à leurs clients. Ils se sont ainsi retrouvés du jour au lendemain avec de la marchandise à stocker ou à écouler de différentes façons. Cette fermeture a aussi eu pour effet induit de faire planer un doute sur la qualité des produits locaux quand les supermarchés sont décrits comme plus propres et sans risques, ce qui n'est pas prouvé.

-          L'arrêt d'une large part de la restauration collective et la fermeture des bars et restaurants s'est également traduit par un arrêt de commandes chez les producteurs, notamment des yaourts pour les cantines scolaires qu'il a fallu évacuer rapidement.

-          Un effondrement de la demande de fromages AOP*/IGP*, particulièrement le Reblochon. Ces fromages ne font plus partie du panier quotidien de nombreux français qui les considèrent comme des produits de luxe ou de seconde nécessité. Cette chute de la demande se trouve renforcée par la fermeture de nombreux rayons de coupe dans les GMS. Par ailleurs les efforts pour baisser la production laitière sont compliqués par un marché de la viande bovine saturé, ce qui empêche de réformer les vaches aujourd'hui.

Il faut ajouter que du jour au lendemain, cette crise nous rappelle que des frontières sont encore en place et que leur fermeture est possible et rapide. Ainsi, apparait une autre fragilité de notre  système laitier, sa dépendance aux tourteaux de soja.

Enfin, les agriculteurs, comme tous, craignent pour leur santé et celles de leurs proches.

Ces premiers constats seront à compléter avec les nouvelles questions qui apparaissent dans d'autres productions comme la viticulture, la pêche etc. Par contre ils révèlent les limites du modèle agricole haut savoyard : celui-ci est loin de permettre l'autonomie alimentaire de base en cas de crise. Et même si des complémentarités régionales resteront nécessaires, il nous apparaît indispensable de réorienter les priorités locales.

 

Solutions et défis d'aujourd'hui.

En observant les dynamiques à l'œuvre dans le monde paysan aujourd'hui nous voyons sur nos fermes que les démarches de l'agriculture paysanne démontrent dans cette crise leur bien-fondé. En effet les systèmes  ancrés localement sont aujourd'hui bien plus résilients, si le système de distribution de proximité reste légalement possible. Par exemple, les systèmes de vente en AMAP, les marchés à la ferme, ont garanti aux paysans des revenus fixes quand de nombreux débouchés se fermaient. De même la diversification des productions permet d'amortir la crise d'une filière. Ainsi le succès de ces réseaux locaux nous appelle à encourager la création de pôles agricoles de proximité qui permettraient de nourrir les villes de notre département en installant des paysans nombreux. Elle nous rappelle aussi l'importance d'outils de proximité essentiels comme l'abattoir de Megève qui sont à sauvegarder et à encourager par les pouvoirs publics.

De plus, les producteurs identifiés sur les marchés, ont pu avec solidarité inventer des solutions pour retrouver un rapide lien aux clients sans trop souffrir de pertes. Cela reste encore compliqué pour certains mais les signes sont encourageants pour les paysans qui ont fait le choix des circuits courts. En revanche ce rebond s'est effectué en assumant une charge de travail nouvelle alors que le printemps est déjà une période chargée pour le travail agricole. La crainte de burn-out est donc bien présente sur de nombreuses fermes puisque le confinement va se prolonger jusqu'au 11 mai au moins, avec de nouvelles mesures ensuite.

Par ailleurs, cette crise et la faible autonomie alimentaire de notre territoire démontrent aussi l'importance de sauvegarder chaque hectare de terrain agricole pour que puissent s'installer des paysans en production diversifiée dans le département. Elle renforce encore l'importance de sauvegarder ces terres de vallées tant convoitées dans le Chablais pour construire une autoroute, dans le Genevois pour un « écoparc » et partout pour une urbanisation galopante qui fragilise la résilience de notre département.

Enfin la crise de la filière laitière va frapper durement les petits producteurs. En effet l'abandon de l'utilisation de la référence A et B pour jouer sur la diminution des volumes va pénaliser les paysans qui ont respecté les choix de filières au profit de ceux qui ont déjà bénéficié d'un système autorisant les dépassements de références. D'autre part,  l'abandon des choix de filières au profit des choix de coopératives témoigne d'un changement de mentalité qui risque de nuire aux paysans qui font l'image de notre agriculture en favorisant les exploitations dépassant leurs références. Nous nous battrons pour un retour à ces règles construites collectivement, car leur non-respect se traduirait par la disparition de nombreuses fermes.

Les défis imposés par  cette crise sont donc nombreux, et malgré tous les efforts fournis par les OPA, certaines fermes sont fragilisées. Il nous faut renforcer dès aujourd'hui le système d'accompagnement des agriculteurs en grande difficulté et prévoir un système de sauvegarde du foncier. Si des terres devaient dans la précipitation partir à l'agrandissement alors notre département ne s'en trouverait que plus affaibli.

Au contraire, nous pensons que cette crise va inspirer des vocations et que préserver de la terre pour encourager de futures installations serait une des solutions pour construire une politique d'avenir pour notre territoire qui renforcerait l'accès à une nourriture locale et de qualité pour tous.

 

Pour conclure, cette crise met aussi en avant la question du revenu des paysans. Malgré une situation plus favorable que dans certains départements, le revenu paysan est aujourd'hui trop faible en Haute-Savoie pour en faire un métier attractif. Les marges échappent encore trop aux paysans engagés dans des systèmes de circuits longs où les GMS captent la plus grande partie de la valeur ajoutée. La loi Égalim ayant démontré son inefficacité, il est temps de mettre en place de réelles mesures pour que puisse vivre en Haute Savoie une agriculture diversifiée de qualité.

Après un mois de cette crise due au confinement, voilà les tendances qui se dégagent dans le département. Les défis sont nombreux, d'autres vont encore apparaitre. Ils s'ajoutent à nos préoccupations quotidiennes comme le changement climatique avec cette météo de juin qui s'est invité depuis mars. Conscients que c'est dès aujourd'hui que se construisent les réponses de demain nous partageons avec vous ces constats pour vous dire que nous sommes et nous serons au rendez-vous pour construire les solutions de notre territoire.

 

Nous comptons sur vous.

 

Bien cordialement,

Pour la Confédération Paysanne

Noémie Lachenal et Pascal Borghini

Co-Porte-Parole.

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